Définition du mésothéliome péritonéal
Le mésothéliome péritonéal est une tumeur rare et agressive qui se développe à partir des cellules mésothéliales des séreuses péritonéales. Cette maladie se caractérise par un envahissement diffus au niveau des surfaces péritonéales et évolue principalement à un niveau local, c’est-à-dire au sein de cette cavité péritonéale. Les atteintes ganglionnaires et métastatiques, de mauvais pronostic, restent très rares.
L’exposition à l’amiante représenterait un facteur étiologique significatif du mésothéliome péritonéal mais son implication serait toutefois largement moins importante que celle observée pour le mésothéliome pleural (Boffetta 2007) (Wagner 1971).
L’érionite ou le mica ont aussi été incriminées dans la tumorogénèse du mésothéliome malin du péritoine (Chahinian 1982, Roushdy-Hammady 2001). Des études ont rapporté la séquence du papovavirus SV40 dans des échantillons de mésothéliome pleural et pour certains, le virus SV40 aurait un rôle de co-carcinogène associé à l’amiante. Toutefois, les données sont peu nombreuses pour le mésothéliome malin du péritoine (Shivapurkar 2000). Enfin, le rôle étiologique possible de la péritonite chronique ou de la radiothérapie abdominale a également été rapporté par quelques travaux (Peterson 1984, Riddell 1981).
Incidence du mésothéliome péritonéal
L’incidence du mésothéliome péritonéal est estimée aujourd’hui entre 0,5 et 3 cas/an/1 000 000 d’habitants (Boffetta 2007, Kim 2017). Le mésothéliome malin du péritoine ne représente que 10 à 30% de tous les cas de mésothéliomes malins (Boffetta 2007, Hassan 2005). L’âge moyen de survenue du mésothéliome péritonéal varie de 47 à 60,5 ans. Dans la majorité des séries rapportées, le mésothéliome péritonéal affecte plus fréquemment les hommes (Chua 2009, Feldman 2003, Loggie 2001, Markman 1992, Neumann 1999).
Présentation clinique du mésothéliome péritonéal
Les circonstances de découverte mésothéliome péritonéal sont principalement, l’augmentation du volume de l’abdomen ainsi que, des douleurs abdominales aspécifiques. L’apparition d’une hernie symptomatique est également rapportée dans 10% des cas.
Le mésothéliome péritonéal se présente sous la forme de multiples nodules isolés ou confluents, qui forment ainsi des masses sous forme de plaques, blanchâtres, hétérogènes, d’aspects solide, kystique ou mucoïde. Le mésothéliome péritonéal peut s’étendre à toute la surface du péritoine et même infiltrer les viscères, en particulier la paroi intestinale et le grand épiploon.
Une cœlioscopie exploratrice est à réaliser en centre expert pour évaluer l’extension de la maladie et sa résécabilité. La cœlioscopie exploratrice permet également d’évaluer le degré d’atteinte du mésentère et des séreuses intestinales (Laterza 2009). Sa faisabilité peut, dans certains cas, être remise en cause par des chirurgies antérieures, à l’origine d’adhérences, ou en cas de volume tumoral important (Yan 2007).
Diagnostic histologique
La biopsie tumorale, réalisée par voie percutanée ou par voie coelioscopique, constitue l’examen de référence de la démarche diagnostique.
Le diagnostic de mésothéliome péritonéal doit être suspecté devant la découverte de toute carcinose péritonéale sans tumeur primitive évidente. Des colorations immuno-histochimiques réalisées à partir de biopsies chirurgicales et/ou radiologiques, permettent de faire le diagnostic différentiel entre mésothéliome malin péritonéal, carcinome papillaire séreux et adénocarcinomes non gynécologiques (Sugarbaker 2003, Mery 2014, Husain 2009).
Les mésothéliomes malins péritonéaux sont classés en 4 sous-types histologiques (Shield 2008) : (Travis et al. 2015 et Galateau-Salle et al. 2016)
- Mésothéliome de type épithélioïde (sous-type le plus fréquent) ;
- Mésothéliome de type sarcomatoïde (extrêmement rare) ;
- Mésothéliome de type desmoplastique, sous-type particulièrement agressif de mésothéliiome sarcomatoïde;
- Mésothéliome de type biphasique associant une composante épithélioïde et une composante sarcomatoïde
En marge de ces formes malignes, deux autres formes, considérées comme « border line » et bénignes, sont décrites : le mésothéliome papillaire bien différencié et le mésothéliome multikystique (ou polykystique). Ces deux formes présentent une évolution différente des formes malignes. Elles sont cependant relativement faciles à identifier morphologiquement (Wong 2004, Lovell 1190).
Diagnostic radiologique
L’examen morphologique de référence pour le diagnostic, le bilan d’extension et la surveillance du mésothéliome péritonéal reste le scanner thoraco-abdomino-pelvien. Il conserve un rôle majeur dans l’appréciation de la résécabilité des lésions (Glehen 2004)(Yan 2005).
L’IRM péritonéale, grâce à une haute résolution en contraste et une bonne résolution spatiale, est une technique de plus en plus recommandée pour l’exploration des métastases péritonéales, et peut être réalisée en association avec le scanner thoraco-abdomino-pelvien.
Diagnostic biologique
Si les valeurs d’ACE (Antigène Carcino-Embryonnaire) restent normales, celles du marqueur tumoral, CA 19.9 (Antigène Carbohydrate), sont très rarement élevées. Le taux de CA 125 est significativement associé à l’étendue du mésothéliome péritonéal et à un sous-type histologique agressif. Le marqueur tumoral CA 125 a une sensibilité diagnostique de près de 50% (Baratti 2007).
Diagnostic moléculaire
Il n’existe pas de marqueurs moléculaires de référence qui permettent d’affirmer le diagnostic de mésothéliome péritonéal (Husain 2009, Husain 2013). La délétion homozygote du locus 9p21 entraînant une délétion de p16/CDKN2A avec perte de l’expression de la protéine P16, est observée dans 25% des mésothéliomes malins du péritoine. Cette délétion, explorée par la technique d’hybridation in situ en fluorescence à partir de prélèvements cytologiques, peut être une aide dans le diagnostic de malignité pour différencier un mésothéliome malin d’une prolifération mésothéliale réactionnelle (Onofre 2008, Takeda 2010).
La présence d’une mutation fonctionnelle d’EGFR (Epidermal Growth Factor) est observée dans 31% des cas de mésothéliome péritonéal et serait associée à un meilleur pronostic (Foster 2010).
La perte de l’expression du gène « suppresseur de tumeurs », BAP1, est un marqueur diagnostique spécifique, pour distinguer les proliférations réactionnelles du mésothéliome malin des formes plus bénignes (Cigognetti 2015, Joseph 2017). Une perte de l’expression de BAP1 est considérée comme un facteur significatif et indépendant de bon pronostic (Joseph 2017).
Enfin, à noter l’impact pronostique majeur de l’index Ki-67 en termes de survie (Kusamura 2016, Pillai 2015).
Traitement du mésothéliome péritonéal
(image d’illustration à acheter pour la partie traitement chirurgical – même image que pour le pseudomyxome péritonéal)
Tout patient atteint d’un mésothéliome péritonéal doit être pris en charge au sein d’un centre expert du réseau RENAPE [Lien vers page Qui sommes-nous] avec une discussion de la stratégie thérapeutique en Réunion de Concertation Pluridisciplinaire (RCP) spécialisée.
Le mésothéliome péritonéal est une pathologie rare dont l’évolution spontanée est toujours fatale et, en conséquence, une prise en charge médicale +/- chirurgicale peut-être proposée si l’état des malades le permet.
Chirurgie de cytoréduction complète et CHIP
La chirurgie de cytoréduction vise à traiter toute la maladie visible (maladie macroscopique). Elle consiste en une intervention chirurgicale pouvant durer de longues heures et qui nécessite souvent plusieurs gestes de résection digestive. Ces résections peuvent intégrer une colectomie totale, des résections de grêle, une protectomie, une gastrectomie, une splénectomie, une hystérectomie avec ovariectomie…
La CHIP (Chimiothérapie Hyperthermique Intra-Péritonéale) a de son côté pour objectif de détruire la maladie invisible, c’est-à-dire la maladie microscopique. Pour se faire, la chimiothérapie est chauffée et placée directement dans la cavité péritonéale après la chirurgie de cytoréduction pour un « bain » unique pouvant aller de 60 à 90 minutes en fonction du produit de chimiothérapie utilisé.
Cette association d’une chirurgie de cytoréduction et d’une Chimio-Hyperthermique Intra-Péritonéale (CHIP) à base de cisplatine et doxorubicine, est considérée comme le traitement de référence à visée curative (Turaga 2017, Yan 2007, Kusamura 2021).
Une chimiothérapie adjuvante (post-opératoire) qui associe sels de platine, pemetrexed et bevacizumab, peut venir compléter la procédure de chirurgie de cytoréduction combinée à une Chimio-Hyperthermique Intra-Péritonéale (CHIP) (Kepenekian 2016).
Chimiothérapie systémique
En cas d’indication de chirurgie de cytoréduction combinée à une Chimio-Hyperthermie Intra-Péritonéale (CHIP) à visée curative, la mise en place de chimiothérapie systémique néo-adjuvante n’est pas recommandée (Kepenekian 2016).
En cas de maladie non résécable, une chimiothérapie systémique par cisplatine, pemetrexed et bevacizumab est recommandée en première ligne de traitement. Elle peut être associée à une CIPPA.
Chimiothérapie intra-péritonéale aérosolisée par voie coelioscopique : CIPPA ou PIPAC
En cas de maladie de résécabilité limite, la réalisation d’une chimiothérapie intra-péritonéale par pemetrexed, ou la réalisation de CIPPA (chimiothérapie aérosolisée par voie coelioscopique) à base de cisplatine et doxorubicine, peuvent, pour des patients strictement sélectionnés, être proposée. (Le Roy 2017, Sugarbaker 2017; Alyami 2017; Alyami 2019).
Chirurgie itérative
Pour certains patients présentant une récidive péritonéale, une nouvelle chirurgie de cytoréduction associée à une chimiothérapie intrapéritonéale hyperthermique (CHIP), peut être proposée. Dans ce cas, une chimiothérapie systémique péri-opératoire est discutée en RCP (Réunion de Concertation Pluridisciplinaire).
Surveillance après traitement du mésothéliome péritonéal
Après une chirurgie de cytoréduction complète :
La surveillance post-opératoire repose en grande partie sur l’imagerie médicale et un premier examen de référence intervient entre 1 mois et 4 mois après l’intervention chirurgicale. Ce contrôle permet de détecter les changements liés à la chirurgie et d’éventuelles complications. L’identification de ces anomalies, qui peuvent être confondues avec des lésions péritonéales, permet d’éviter une mauvaise interprétation de récidive précoce, à condition qu’elles restent stables ou s’améliorent lors des examens de suivi ultérieurs.
Le principal examen d’imagerie reste le scanner thoraco-abdomino-pelvien réalisé tous les 4 mois.
En effet, l’étude de Baratti et al. a rapporté en 2009 que 18,4% des récidives peuvent être extra-péritonéales au niveau de la plèvre et des ganglions rétropéritonéaux, justifiant ainsi l’inclusion de la région thoracique dans la surveillance scannographique.
L’IRM est à réserver comme méthode de second choix en cas de doute sur les résultats du scanner, afin de permettre une détection plus précoce des récidives (Low 2021).
En complément de l’examen clinique, il est recommandé de doser sériquement le CA125 tous les 3 à 4 mois pendant les 2 premières années après l’intervention, puis tous les 6 mois jusqu’à la 5ème année, et enfin une fois par an (Kepenekian 2016, Alexander 2013, et de Baratti 2013, Kusamura 2021).
Après chimiothérapie et/ou chirurgie incomplète :
Si les critères RECST 1.1 sont peu adaptés au suivi des métastases péritonéales, ils peuvent cependant être utilisés afin d’analyser l’évolution de cibles repérées sur le scanner. A ce jour, il n’existe toujours pas de critères RECIST modifiés et validés pour le mésothéliome péritonéal, contrairement à ce qui est disponible pour la forme pleurale.
Déclaration obligatoire du mésothéliome péritonéal
Généralités sur la Déclaration Obligatoire
La déclaration des mésothéliomes est obligatoire en France depuis le 16 janvier 2012 (décret n°2012-47 du 16 janvier 2012). Elle concerne tous les médecins pathologistes et cliniciens qui posent un diagnostic de mésothéliome quel que soit le type de mésothéliome et sa localisation anatomique.
La Déclaration Obligatoire a deux objectifs :
- Renforcer la surveillance épidémiologique des mésothéliomes tous sites anatomiques, sur l’ensemble du territoire national ;
- Améliorer la connaissance des facteurs d’exposition professionnelle et environnementale en particulier chez les personnes présentant un mésothéliome hors plèvre, les hommes de moins de 50 ans et les femmes présentant un mésothéliome pleural.
La démarche de Déclaration Obligatoire ne se substitue pas au système de déclaration des maladies professionnelles.
La Déclaration Obligatoire des mésothéliomes a été mise en place par Santé Publique France à la demande du ministère chargé de la santé. Elle était inscrite dans le Plan cancer 2009-2013 (mesure 9.1) piloté par l’Institut National du Cancer (INCa). Le projet a fait l’objet d’une information au Conseil national de l’Ordre des médecins et d’échanges avec le Haut Conseil de santé publique. Le dispositif a été développé avec les sociétés de professionnels (SPLF, SFP, CPHG, FFP…) et les acteurs régionaux : les agences régionales de santé, acteurs réglementaires des maladies à déclaration obligatoire, les cellules d’intervention en région de Santé publique France (Cire), les Réseaux régionaux de cancérologie, en lien avec les équipes du PNSM dans les régions couvertes par ce programme. Il a été suivi par un Comité de pilotage composé de représentants des institutions et des professionnels concernés.
Les résultats sont diffusés aux médecins déclarants et aux autorités de santé. Les retours d’information visent notamment à montrer en quoi ce système, fruit d’un travail collectif réussi, contribue à la connaissance de la maladie et présente un réel intérêt de santé publique et pour les patients.
Comment déclarer un nouveau cas ?
La notification se fait par le médecin déclarant pathologiste ou clinicien, après confirmation du diagnostic de mésothéliome.
La notification comprend deux étapes :
- Renseigner les éléments du formulaire ‘pathologiste’ ou ‘clinicien’ selon votre situation d’exercice (spécialité et région). Le médecin clinicien doit informer individuellement le patient de ses droits et lui remettre la notice d’information ;
- Transmettre rapidement le formulaire rempli, daté et signé par fax au médecin en charge des Maladies à Déclaration Obligatoire (MDO) au sein de l’Agence régionale de santé (ARS) de votre région d’exercice (Cellule de veille et gestion des alertes – CVAGS), via la plateforme régionale de veille et d’urgences sanitaires. En cas d’impossibilité d’envoi par fax, il est possible de scanner le formulaire et de l’adresser par mail. L’envoi au médecin en charge des MDO à l’ARS peut également se faire par voie postale sous pli confidentiel avec mention « secret médical ».
Le médecin de l’ARS traitera ensuite les formulaires et les adressera anonymisés, à Santé Publique France qui est chargée de la surveillance nationale des mésothéliomes.
Prise en charge médico-sociale
Les mésothéliomes péritonéaux ouvrent des droits à des prestations sociales avec notamment une reconnaissance en affection de longue durée, ouvrant droit à exonération du ticket modérateur par la sécurité sociale.
D’autres demandent peuvent également être réalisées en cas d’exposition à l’amiante connue ou non :
- Reconnaissance comme maladie professionnelle
- Indemnisation par le Fond d’indemnisation des victimes de l’amiante : FIVA : http://www.fiva.fr/
- La « préretraite amiante »
Pour en savoir plus : https://www.snfge.org/content/15-mesotheliome-peritoneal#ancre1581